En 2017, Richard Thaler, professeur à l’Université de Chicago, a reçu le prix Nobel d’économie pour ses travaux en finance comportementale. L’une des grandes questions qu’il a étudiée portait sur ce que peut bien penser le consommateur lorsqu’il arrive à la caisse pour payer ses achats.Planifier son budget, gérer ses finances… On y pense souvent après avoir dépensé de l’argent, pour un nouveau jean, pour un restaurant sympa ou pour un voyage par exemple.Vous avez sûrement un Livret A ou deux comptes différents qui vous permettent de séparer votre argent. L’un est destiné aux économies, aux imprévus ou aux gros achats, l’autre aux dépenses du quotidien et aux factures. Mais gérer son budget n’est pas si facile.Les économistes et les psychologues parlent de comptabilité mentale
La comptabilité mentale désigne cette capacité à organiser son budget, à penser à son argent en le séparant en différents postes de dépenses. Votre cerveau différencie l’argent selon la façon dont vous l’avez obtenu et la façon dont vous prévoyez le dépenser. En d’autres termes, vous créez des sortes de tirelires mentales où vous placez votre argent qui sera utilisé pour telle ou telle dépense.Vous avez peut-être déjà pensé et prévu le budget que vous accorderez aux sorties ou aux loisirs pour le mois qui arrive, l’argent qui sera dépensé pour votre loyer ou anticipé l’achat de votre prochain téléphone.Si vous avez déjà fait le choix de vous offrir un bon repas au restaurant plutôt que de vous acheter le sac à dos que vous vouliez, vous pratiquez vous aussi la comptabilité mentale.B.A-BA de la banque
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Apprendre les basesLes origines du terme “comptabilité mentale”
Au quotidien, gérer ses comptes est difficile. Il est bien plus compliqué de penser à l’argent qui sera nécessaire pour sa retraite, que de faire des achats compulsifs. En effet, il est facile de succomber à la tentation pour commander un repas gourmet livré à domicile, acheter une télévision dernier cri, ou un jean de marque.Le terme “comptabilité mentale” est apparu pour la première fois en 1999 dans les travaux de l’économiste comportemental Richard Thaler. Son approche était de mieux comprendre la psychologie à l’oeuvre dans les choix du consommateur.“L’homo oeconomicus des manuels d’économie ne possède ni le cerveau d’Einstein, ni les capacités de mémorisation du Big Blue d’IBM, ni la volonté du Mahatma Gandhi. Il est plus comparable à Homer Simpson qu’à Superman.” Richard Thaler
La comptabilité mentale illustrée
Dans une célèbre étude de cas, il s’intéressait à l’attitude de plusieurs individus face à une sortie au cinéma :Imaginez que vous avez décidé d’aller voir un film pour lequel la place coûte 10 dollars. Lorsque vous entrez dans le cinéma vous vous rendez compte que vous avez perdu votre ticket. Le siège n’est pas attribué et vous ne pouvez pas récupérer le ticket perdu. Seriez vous prêt à payer 10 dollars pour un autre ticket ?Seulement 46 % des interrogés ont répondu oui. Mais lorsque Thaler a reformulé la question, le résultat a complètement changé.Imaginez cette fois que vous souhaitez voir ce même film pour 10 dollars, mais qu’en entrant dans le cinéma vous vous rendez compte que vous avez perdu un billet de 10 dollars.88 % des participants décident d’acheter la place de cinéma.Dans les deux cas, les participants ont tous déjà perdu 10 dollars avant de voir le film, mais ce n’est pas de cette façon qu’ils réfléchissent pour prendre leur décision.La majorité du premier groupe refuse de dépenser 10 dollars pour voir le film, car ils ont déjà payé cette somme dans le même but. Le budget pour voir le film s’élèverait donc à 20 dollars si ils achetaient une nouvelle place, et cela est perçu comme excessif. La plupart des participants du second groupe considère la perte du billet de 10 dollars comme une dépense générale. Ces 10 dollars n’ont pas été “dépensés” au cinéma, donc l’achat de la place est raisonnable.Thaler explique que les individus divisent mentalement leur budget en sortes de tirelires mentales pour répondre à différents besoins ou envies. Ils ne prennent pas de décisions logiques quand il s’agit d’argent.Le choix logique dans les deux cas étudiés par Thaler serait d’abandonner l’idée de voir le film et de rentrer (certes déçu) à la maison pour regarder la télévision puisque l’argent nécessaire pour voir le film a déjà été perdu.Cependant cela impliquerait d’avoir une maîtrise parfaite et logique de son argent, de son budget. L’économie comportementale reconnaît que cela n’est pas le cas. Lorsqu’il s’agit d’argent, de nombreuses décisions ne respectent pas forcément de logique.La comptabilité mentale illustrée (bis)
Une étude de Kahneman et Tversky citée par Thaler en 1999 illustre bien ce manque de logique. Ces universitaires ont demandé à des individus de faire un choix :Traverser la ville en voiture pendant 20 minutes pour économiser 5 dollars pour une calculette à 15 dollars.Ou bien, faire le même trajet pour économiser 5 dollars sur une veste à 125 dollars.La grande majorité des interrogés choisissent d’économiser de l’argent sur l’achat de la calculette. Pourquoi ? Parce qu’une économie de 5 dollars sur le prix de la veste est considéré comme de l’argent de poche. Par rapport aux 125 dollars, la somme est en quelque sorte dérisoire.Cela montre que les décisions des consommateurs ne prennent pas en compte la valeur absolue d’une dépense, mais que les achats sont plutôt considérés de façon individuelle et relative, au cas par cas.C’est cette même manière de penser qui vous fait dépenser de l’argent plus que de raison lorsque vous êtes en séjour — privé ou professionnel — dans une ville où le coût de la vie est élevé.Qu’est-ce qui vous empêche de dépenser un peu plus d’argent si vous avez déjà économisé les mois passés ?Dans l’absolu, pas grand chose.Chaque personne a tendance à réfléchir au gain qu’elle tirera de son achat et donc à ce que l’argent dépensé lui apportera. Vous avez sans doute déjà eu soif et été contraint de dépenser 3 euros pour de l’eau dans un distributeur. Vous dépensez l’argent en pensant à l’hydratation dont vous avez besoin.Une autre étude de Thaler illustre cela. Il a demandé à un groupe de personnes si elles étaient prêtes à payer un peu plus chère une consommation à l’hôtel au coin de la rue plutôt que de devoir se rendre dans un magasin situé plus loin. Sans surprise, la plupart des personnes interrogés étaient prêtes à payer plus.Différentes situations, même principe.Qu’est-ce que cela implique pour vous ?
Il serait précipité de tirer des conclusions de ces études sur la meilleure façon de gérer son budget. Chaque personne est différente et il n’existe pas de formules magiques.Comprendre les mécanismes psychologiques qui entrent en compte dans la comptabilité mentale est néanmoins utile. Il est en effet important de savoir ce qui se joue derrière les nombreuses décisions de dépenses prises au quotidien. Le contexte est toujours crucial.Est-ce que vous faites cette dépense parce que vous avez vraiment besoin de cet objet ? Ou bien est-ce que vous attachez une importance mentale bien plus importante qu’il le faudrait à cet objet ?L’une des bonnes façons de mieux organiser et visualiser ces dépenses est de mettre de l’argent de côté chaque mois. Cela vous aidera à mieux définir combien vous pouvez dépenser, et donc comment vous souhaitez le dépenser.Grâce à N26 et votre compte courant, vous pouvez voir la classification automatique de vos dépenses pour avoir un aperçu immédiat de vos dépenses, selon leur catégorie. Votre application N26 vous permet même de personnaliser les tags associés à vos dépenses (#pizza, #vacances, #loyer…). Ainsi, vous avez un aperçu concret d’où va votre argent.Et vous, pratiquez-vous cette gymnastique mentale pour gérer vos finances ?