« Si l’inflation est le génie, alors la déflation est l’ogre qu’il nous faut combattre avec vigueur ». C’est en ces termes que Christine Lagarde, alors directrice du FMI, décrivait la déflation devant le National Press Club de Washington en janvier 2014. Pourquoi la déflation est-elle tant redoutée des experts ? Que se cache-t-il derrière le spectre de la déflation ? Définition, causes, risques : découvrez dans cet article tout ce que vous devez savoir sur la déflation.Déflation : définition
Selon l’INSEE, « la déflation est le gain du pouvoir d’achat de la monnaie, qui se traduit par une diminution générale et durable des prix ; c’est une inflation négative ». En d’autres termes, en période de déflation, l’argent prend de la valeur, tandis que les prix des biens et services diminuent. Cela provoque des réactions attentistes de la part des agents économiques qui, lorsqu’elles s’inscrivent dans la durée, s’avèrent particulièrement néfastes pour l'économie. La déflation entraîne alors une baisse de la demande de biens de consommation, un ralentissement de l’activité économique et une augmentation du taux de chômage. C’est le cercle vicieux de la déflation.Toutefois, une déflation n’affecte pas nécessairement l’ensemble de l’économie. Elle peut se limiter à certains secteurs. On parle alors de déflation sectorielle.La déflation ne doit pas être confondue avec la désinflation. Cette dernière correspond à une décélération de l’inflation, c’est-à-dire à une réduction de la hausse des prix.B.A-BA de la banque
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Apprendre les basesLes différents types de déflation
Si le terme de déflation est régulièrement utilisé pour désigner une baisse des prix, on distingue, en réalité, différents types de déflation.La déflation monétaire
Elle correspond à une diminution continue et auto entretenue du niveau général des prix des biens et des services consommés par les ménages dans une zone géographique donnée.La déflation financière
Elle se réfère à une baisse générale des cours des actions sur une ou plusieurs places financières (krach boursier).La déflation « sectorielle »
Elle se caractérise par la baisse des prix de produits spécifiques, sans que cette dernière concerne l’indice général des prix ni n’affecte négativement l’économie. On peut citer l’exemple des appareils de téléphonie mobile dont les tarifs ont considérablement chuté depuis leur première apparition sur le marché. Cette réduction tarifaire a eu un impact positif sur les ménages et a permis une démocratisation de l’utilisation des smartphones au niveau mondial.Les causes de la déflation
Lorsqu’elle n’est pas le fait d’un choix politique volontaire, la déflation résulte généralement d’un déséquilibre durable entre le niveau de l’offre et celui de la demande. La quantité de services ou de biens offerts à la vente par les entreprises est supérieure aux achats effectués par les consommateurs, ce qui, à terme, engendre une baisse des prix. Différents facteurs, parfois cumulés, peuvent provoquer ce déséquilibre :- les situations de surproduction : la demande n’arrive pas à suivre l’offre et entraîne un abaissement du niveau des prix ;
- le manque de débouchés : en l’absence de perspectives, le pessimisme des entrepreneurs provoque une diminution des investissements, une baisse des salaires, une augmentation du taux de chômage et une réduction de la demande ;
- une régulation de la masse monétaire : selon la théorie quantitative de la monnaie, une contraction de la quantité de monnaie en circulation donne lieu à une compression des prix.
Pourquoi la déflation peut-elle être dangereuse ?
Si une baisse du niveau général des prix paraît, en théorie, bénéfique pour les ménages, la déflation peut s’avérer, à plus long terme, néfaste pour l’ensemble des acteurs économiques.Les conséquences de la déflation sur les ménages et sur l’économie
La déflation peut avoir des effets négatifs sur les consommateurs et sur l’économie nationale.- Une surabondance de l’offre et une chute de la consommation de biens et services : les ménages reportent leurs décisions d’achats dans l’attente de nouvelles baisses de prix.
- Un accroissement du taux de chômage : la diminution de la demande entraîne une réduction des revenus des entreprises et une raréfaction des embauches.
- Une aggravation de la valeur réelle de la dette : les prix et les revenus des agents économiques baissent, tandis que les taux d’intérêts se maintiennent. Par conséquent, le coût réel de la dette augmente. Il en résulte une moindre capacité à investir pour les entreprises et à consommer pour les ménages endettés.
La spirale déflationniste
L’effondrement de la demande et, plus généralement, de la consommation provoque un gel des embauches et un accroissement du nombre de licenciements. Le chômage augmente. Il entraîne une nouvelle baisse de la demande, car les ménages n’ont plus les moyens de consommer davantage. Parallèlement, la diminution des revenus des entreprises et des consommateurs provoque une réduction des recettes fiscales qui a pour conséquence l’aggravation de la dette de l’État. C’est ce que l’on appelle le cercle vicieux de la déflation ou la spirale déflationniste. Si aucune mesure n’est prise à ce stade, la déflation peut se transformer en dépression, c’est-à-dire en crise économique sévère. Elle représente une menace d’autant plus sérieuse qu’elle peut être difficile à enrayer et est durablement nuisible à l’économie.Deux exemples de déflation
Si les cas de déflation sont rares dans les pays occidentaux, deux exemples contemporains illustrent les conséquences ravageuses de la déflation sur l’économie.La crise déflationniste des années 1930
Le 24 octobre 1929 (plus connu sous le nom de « jeudi noir ») le krach boursier de New York a marqué le début de l’une des plus graves crises déflationnistes du 20e siècle à l’échelle mondiale. Face à l’inefficacité des politiques menées par les gouvernements et les banques centrales (réduction des dépenses publiques, dévaluation monétaire, repli protectionniste, etc.), la crise boursière dégénère en crise agricole, financière et économique. Elle plonge les États-Unis, puis l’Europe et l’ensemble des économies occidentales dans une récession aiguë jusqu’au début de la Seconde Guerre mondiale. Cet épisode de « Grande Dépression » s’est notamment traduit par un éclatement du système financier international, une contraction des échanges, un fléchissement de la production, une chute du niveau général des prix, un écroulement de la consommation des ménages et une explosion du chômage. Le krach de 1929 met en lumière les dangers de la déflation. Les enseignements de cette crise sans précédent ont permis aux pays de la zone euro de la combattre entre 2013 et 2016. Alors confrontée à une période prolongée de désinflation et à une baisse du niveau général des prix dans certains pays, l’Europe a frôlé une nouvelle crise déflationniste. La réduction massive des taux d’intérêt directeurs par la Banque Centrale européenne (BCE), et un vaste programme de rachat d’actifs sécurisés auprès des institutions financières (destiné à se procurer des liquidités et à accorder des crédits à très faible coût aux entreprises et aux ménages) ont aidé les gouvernements à enrayer la déflation.Le cas récent du Japon
Le Japon est un autre exemple de la dangerosité d’une spirale déflationniste. Au milieu des années 1990, les prix à la consommation ont brutalement chuté à la suite d’un krach boursier (1991), puis immobilier (1992). Du fait d’une réaction tardive des autorités japonaises pour lutter contre la déflation, ni les baisses des taux d’intérêt directeurs, ni les politiques d’injection de liquidités dans le système financier ne sont parvenues à contenir le cercle vicieux de la baisse des prix.Ce n’est que depuis 2013-2014 que la déflation nipponne est considérée comme partiellement maîtrisée, même si le pays lutte encore contre les conséquences de la déflation survenue il y a près de trente ans. Aujourd’hui, le pays connaît une poussée inflationniste alimentée par l’explosion des coûts de l’énergie et des matières premières, ainsi que la forte baisse du yen face au dollar. En août 2022, le taux d’inflation s’élevait à 3 %* — un record depuis quarante ans. *Source : Direction générale du Trésor du ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté Industrielle et NumériqueLes liens entre inflation, déflation et stagflation
En fonction de l’évolution de la situation géopolitique et économique, plusieurs scénarios sont envisageables à l’échelle nationale et européenne : une inflation maîtrisée, une période d’hyperinflation ou encore un état de stagflation (fort ralentissement de la croissance économique). De plus, certains économistes gardent à l’esprit le risque d’une menace déflationniste. C’est donc l’occasion de s’intéresser aux liens qui existent entre inflation, déflation et stagflation.Quelle est la différence entre l’inflation et la déflation ?
La déflation est l’opposé de l’inflation. Alors qu’en cas d’inflation, l’argent perd de sa valeur et que les prix ne cessent de croître, en cas de déflation, les prix des biens et des services baissent et la valeur de l’argent augmente.Quelle est la différence entre la déflation et la stagflation ?
Tandis qu’une déflation se caractérise par une inflation négative (baisse du niveau général des prix), la stagflation désigne une situation économique qui combine inflation, chômage et faible croissance économique.Pourquoi la déflation est-elle pire que l’inflation ?
Si la déflation peut, a priori, sembler plus attrayante que l’inflation pour les consommateurs, nous avons vu précédemment qu’elle peut rapidement se transformer en une spirale toxique pour l’économie. La diminution des prix déclenche une baisse des investissements, une compression des salaires, une augmentation du chômage, une chute du revenu des ménages, un ralentissement de la consommation et de la production, puis une nouvelle réduction des prix. La croissance se contracte et, dans le pire des cas, une dépression durable s’installe. Les deux exemples de déflation mentionnés plus haut décrivent, par ailleurs, l’extrême difficulté de sortir d’un cercle déflationniste.