La stagflation expliquée simplement

Alors qu’en 2022 la croissance européenne est en berne et que l’inflation augmente, certains Etats et économistes craignent le retour de la stagflation. Qu’est-ce que la stagflation ? En quoi constitue-t-elle un risque? Quelles peuvent être ses répercussions sur notre économie et sur notre quotidien ? Aujourd’hui, N26 vous explique tout sur  la stagflation. 

Le terme « stagflation » — né de la contraction des mots stagnation et inflation — désigne un contexte dans lequel une faible croissance cohabite avec une importante hausse des prix et un taux de chômage élevé pendant plusieurs trimestres. 

Utilisée la première fois au milieu des années 1960 pour décrire la situation économique du Royaume-Uni, l’expression se répand ensuite dans l’ensemble des pays de l’OCDE à la suite du premier choc pétrolier (1973). La stagflation se traduit alors par un ralentissement de la croissance et une inflation galopante, provoqués par l’augmentation fulgurante des prix du pétrole.

Jusqu’au début des années 1970, la « courbe de Phillips » — qui établit une corrélation inverse entre le taux de chômage et le niveau d’inflation — rend le phénomène de stagnation improbable aux yeux des économistes.  Et pour cause, elle exclut tout parallélisme entre une augmentation des prix et une diminution du nombre d’emplois. Mais la crise de 1973 — caractérisée par une hausse brutale des prix du pétrole, une chute de la croissance économique et une envolée des prix des biens de consommation, est venue contredire cette croyance.

S’agissant de la situation de 2022, François Ecalle — ancien rapporteur général du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques et président de l’association « Finances publiques et Économie » (Fipeco) — estime que « le choc sur les prix des matières premières a entraîné une hausse des salaires, une inflation généralisée, et a perturbé la productivité, affectant profondément la croissance » . Le parallélisme avec les années 1970 est troublant… 

Si les « chocs d’offre » (lorsqu’un événement imprévu modifie l’offre d’un produit et provoque un changement de prix inattendu) sont régulièrement cités comme principaux éléments déclencheurs d’une situation de stagflation, d’autres facteurs tels que de mauvaises politiques économiques peuvent avoir des effets aggravants.

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Apprendre les bases

Alors qu’en Europe les pénuries d’énergie et la perturbation de certaines chaînes d’approvisionnement ont fait grimper l’inflation et chuter la croissance tout au long de l’année 2022, la question se pose quant aux conséquences que pourrait avoir une situation de stagflation sur notre vie de tous les jours. Sur ce point, tous les experts sont formels : la stagflation représente avant tout un danger, tant pour l’économie que pour le consommateur.

En effet, une hausse de l’inflation combinée à un affaiblissement de la croissance peut avoir un impact négatif sur la consommation des ménages. Par ailleurs, l’absence de croissance économique et les incertitudes qui planent sur les chaînes d’approvisionnement ont le pouvoir d’affecter l’économie tout entière. Le risque étant d’assister, d’une part, à une diminution des investissements des entreprises — qui entraînerait une multiplication des licenciements. Et d’autre part, d’observer, à terme, une baisse des revenus — et donc de l’épargne.

Anne-Sophie Alsif, cheffe économiste de BDO France et professeure d’économie à la Sorbonne, avertit :« lorsque l’on entre en stagflation, c’est très négatif pour l’économie, car c’est un cercle vicieux dont il est difficile de sortir ».

Hausse des prix, croissance en baisse, chômage : à l’échelle nationale comme internationale, économistes et décideurs politiques se mobilisent contre le risque  stagflationniste.

D’un point de vue macroéconomique, le risque de stagflation confronte les États et les banques centrales à une double problématique : celle de réussir à maîtriser l’inflation sans entraver la croissance. 

En juillet 2022, la Banque centrale européenne (BCE) a relevé ses taux d’intérêt pour la première fois depuis onze ans. Dès lors, l’Europe a assisté à une série historique de hausses des taux directeurs ayant pour but de réduire les dépenses des acteurs économiques et, par conséquent, de contenir l’envolée des prix. L’institution commente  : « en tant que banque centrale de l’euro, notre mandat est de maintenir la stabilité des prix. Lorsque les prix augmentent trop rapidement dans notre économie, une hausse des taux d’intérêt nous aide à ramener l’inflation à notre objectif de 2 % à moyen terme ». Toutefois, cette stratégie comporte un risque pour la croissance, en limitant les investissements des entreprises et la consommation des ménages.

Les politiques de relance (ou plans de relance) ont pour objectif, comme leur nom l’indique, de soutenir la croissance d’une zone monétaire ou d’un pays, lorsque celle-ci est temporairement affaiblie. Elles comprennent trois volets :

• la relance budgétaire, qui consiste à utiliser le budget de l’État pour soutenir l’activité économique, par exemple en prévoyant un montant de dépenses publiques supérieur aux ressources prélevées au contribuable (impôts et prélèvements sociaux) ;
• la relance monétaire, généralement initiée par les banques centrales, qui vise à stimuler l’activité économique en réduisant les taux d’intérêt et en permettant, de ce fait, aux États, aux entreprises et aux ménages d’emprunter à moindre coût ;
• la relance par la règlementation qui permet aux États de soutenir l’économie à travers de nouvelles lois. Il peut s’agir, par exemple, de mesures destinées à accroître le pouvoir d’achat (telles que l’augmentation des minima sociaux) ou à influencer les comportements des agents économiques (comme l’adaptation de certaines règles de gouvernance des entreprises ou des banques).

Enfin, de nombreux experts voient l’indépendance énergétique et la transition vers de nouvelles sources d’énergie — telles que les énergies renouvelables (solaire, éolienne, hydrothermique, etc.) — comme un moyen durable de créer un contre-choc d’offre énergétique et d’enrayer les risques de stagflation. 

Dans une interview accordée au quotidien slovène Delo pendant l’été 2022, Christine Lagarde, directrice de la BCE, écarte l’éventualité d’un risque imminent de stagflation. Mais dans un contexte incertain, la prudence doit rester de mise.

À l’échelle individuelle, plusieurs éléments peuvent contribuer à limiter l’impact des crises sur son quotidien, selon votre situation:

• bien gérer son argent en créant un budget et en optimisant ses dépenses ;
• rembourser ses dettes pour éviter les taux d’intérêt élevés ;
• ouvrir un compte d’épargne dédié pour séparer ses dépenses quotidiennes de ses économies ;
• diversifier ses placements ;
• privilégier les valeurs refuges (immobilier, métaux précieux, etc.) en cas d’investissement.

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